Fascination – répulsion 101


 

C’est vrai que la première fois, la toute première fois, j’ai aimé. Sans trop écouter, j’ai aimé. Le son de sa voix. La langueur. Lana Del Rey. J’ai mis du temps avant d’y repenser. A cette chanson. J’avais oublié son nom et le titre. Mais je l’ai retrouvée, cette chanson. Et je l’ai écoutée en boucle. Les 21 689 237 vues de Video games, sur youtube, c’est moi.

Et puis il y a eu Blue Jeans, il y a eu Born to die. Alors pendant des semaines. En boucle. Ces trois seules chansons. Toujours sur le point de m’en lasser sans pour autant réussir à m’en détacher. Dans la rue, à vélo, dans mon lit, quand je perds le fil d’une conversation, elles me reviennent, je les murmure, je me blottis en elles, je suis ensorcelée.

Pourtant.

Pourtant je n’aime pas ces chansons. A force, je connais les paroles par cœur et les paroles ne me parlent pas. Romantisme nian-nian, imagerie adolescente. Girl meets boy. Boy lives girl. Girl writes songs. Parce que sous ses airs de sex-symbol autoproclamé, Lana est une petite fille fragile, Marylin style. Dans ses textes, qu’elle trouve très bons, elle ne fait que pleurnicher à cause d’un garçon. Où est passée la bad, bad girl, de son Kinda outta luck ? Oui, elle parle comme ça Lana, elle se réclame du courant Hollywood sad core dont elle est la seule égérie, mais ses références sont plus du côté du hip hop que de Rita Hayworth.

Attirée. Dégoûtée. J’y reviens toujours. Cette bouche, fausse. Cette chevelure, fausse. Cette voix, fausse. Je lis tous les articles sur elle. J’écoute son album précédent qui a fait un bide. Je regarde toutes les photos d’elle que l’internet vomit, avant / après. Avant / après quoi ? Elle dit. Elle prétend. Corps sculpté, coloration travaillée, bouche siliconée, look appliqué, rien de tout ça ne me générait si. Si sa voix était la sienne. Il y a à peine un album, elle était méconnaissable, et en live, elle est carrément affligeante. Lana. Un monstre. Un monstre car monstrueuse. Un monstre car un amalgame de choses disparates. Un monstre car montrée, donnée en pâture.

« Je fais mes clips moi-même », comme s’il y avait de quoi être fière de collages amateurs. Enfin, c’était toujours mieux que le sommet de kitch qu’est la vidéo de Born to die. Dans un château cathédrale à la mesure de son ambition, Lana, fleur parmi les fleurs, chienne parmi les tigres, mime tout ce qu’elle dit. Oui, il y a des tigres dans le clip, c’est tellement décadent. Mais pas autant que la french manucure parfaitement vulgaire de Lana, mise en valeur quand elle fait le signe de se trancher la gorge pour nous signifier, depuis son palace rococo qu’elle est « born to die ». Parce que la bêtise de ses paroles, on y revient toujours. On bute toujours dessus. Lana moitié vamp d’un autre âge, moitié girlfriend d’un gagsta déjà tombé en ringardise, a tout calculé. Tout. De sa voix hors du commun retouchée digitalement à son strabisme convergeant atténué d’un grand trait d’eyeliner. Tout. Sauf ses textes.

Mais je suis accro alors, une fois encore, j’écoute Video games.


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