Made in Merica

Quand Cam Brady perd la boule et envoie aux média la vidéo où il couche avec la femme de son adversaire, franchement, on n’est pas très loin de la vulgarité des vrais clips de campagne pour la présidentielle de 2012. C’est juste un peu moins affligeant. Donc oui, quand on va voir Moi, député (The Campaign), contrairement à ce que j’avais imaginé, on rigole pas mal.

Mais ce film aurait très bien pu ne jamais mentionner l’appartenance des candidats à l’un ou l’autre des deux partis dominants aux Etats-Unis. Le personnage de Will Ferrell, plus obsédé par faire rimer Jésus avec Amérique que par la constitution d’un programme me paraissait furieusement républicain, jusqu’à ce qu’on apprenne que non, c’est son opposant Marty Huggins qui flirte gentiment avec le Tea party… Les défenseurs du film diront que chacun en prend pour son grade, moi je trouve quand même qu’on pointe beaucoup du doigt la nullité, la folie et la corruption de Cam Brady dans ce scénario émanant pourtant d’un Hollywood considéré comme trop démocrate (oui, Clint Eastwood et Chuck Norris sont des êtres à part, on le savait déjà). Et faire un film qui égratigne les deux partis en pleine année électorale, c’était d’ailleurs le but des producteurs.

Parce que voilà. Les adversaires, plus débiles qu’autre chose, ont un ennemi commun et ce n’est ni un éléphant ni un âne… c’est un panda. Le cœur de « l’intrigue » de Moi, député, ce n’est pas vraiment, pas seulement, la campagne électorale. C’est bien, de façon totalement assumée et acceptée, la peur de la suprématie chinoise. Ce qui rassemble les visions des deux candidats, et de tous les spectateurs, c’est bien la haine du Chinois et de la concurrence déloyale qu’il mène face à une Amérique en perte de vitesse. On s’amuse des chiens chinois au faciès monstrueux (« get some american dogs! ») mais surtout, on tente tout pour faire barrage au péril jaune.

Si en Amérique l’incitation à la haine raciale n’est pas reconnue comme un délit (le freedom of speech est tout puissant) on est quand même politiquement correct avec toutes les minorités. Sauf que les Chinois ne sont plus une minorité aux yeux des Américains, ils sont juste une menace. On comprend d’un coup ce repli identitaire du mâle blanc chrétien middle-aged à la chevelure soyeuse sur des « valeurs » rétrogrades et sectaires : c’est son chant du cygne en plein déclin de l’empire américain.

On attend maintenant de savoir comment la censure chinoise accueillera ce film avant d’écouler des millions de copies pirates sur les étals des marchés à travers tout le pays…


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