Hors-champ
Je me souviens quand on faisait ça. On était jeune, on découvrait les caméras mini-DV et on pensait qu’on allait changer le monde. Qu’on allait faire des films, quoi. Et on faisait ça à chaque fois. On ne pouvait pas s’en empêcher. Peut-être parce qu’on faisait des courts métrages. On ne pouvait pas s’en empêcher. On ajoutait toujours une scène après la fin. Une. Ou deux. Ou trois. Ou le générique était mille fois interrompu par des scènes coupées. Par une sorte de bêtisier. Par une scène après la scène. Par un épilogue. Par une dernière blague. Oui, on faisait plutôt des films drôles. Et puis le générique se terminait enfin, et on finissait le tout avec une ultime fin. Pour finir. Avant donc, ne pas réussir à terminer un film c’était réservé aux cinéastes amateurs. C’était comme glisser des tonnes de remerciements à la moitié de la terre dans les crédits. Il fallait le faire là car rien ne disait qu’on ferait un autre film. Qu’on aurait une autre occasion de remercier papa maman tata tonton la meuf du moment son chien génial qui avait inspiré le personnage principal de ce road movie trop marrant.
Mais aujourd’hui, tout a bien changé. Aujourd’hui, même les films à budgets colossaux qui passent dans le monde entier et font des milliards au box office se fendent d’une fin après la fin. Peut-être que nous sommes tous des éternels adolescents en train de faire des films avec les copains dans le garage des parents. En tout cas, c’est devenu une habitude acceptée par tous.
Avant, on se laissait surprendre par le supplément gratuit. Le bis. Et souvent, d’ailleurs, on ne se laissait pas surprendre parce qu’on était déjà parti. Aujourd’hui, dans les comédies, le générique défile sur une moitié d’écran pendant qu’une scène supposée hilarante se déroule à côté. Dans les trilogies à grand spectacle programmées pour le succès, personne ne se lève avant la toute fin du générique. On attend les images qui nous garantissent un prochain épisode, même si on n’a aucun doute à ce sujet. On attend religieusement une scène bonus forcément décevante.
A ma séance de Wrong, on était six. En partant, je me suis trompée de porte et j’ai du repasser par la salle quand le générique se terminait. J’étais seule et j’ai vu une scène de 30 secondes, pas plus, clore le générique. Ni drôle, ni touchante. Juste une scène sans intérêt.
Mieux, à l’étrange festival, grand rassemblement de tous les geek / goth de France, j’ai adoré regarder le public, à la fin de god bless america, se farcir l’intégralité du générique, dans le noir complet. La narration du film est plutôt classique et il est même fait explicitement référence à Bonnie & Clyde = dès le début, on sait comment ça va finir. Et le film se termine par une fin. La mort. Pourtant, tout le monde attendait une ultime scène. Encore une. Mais en attendait quoi au juste ? On ne sait pas vraiment. Et ce fut la déception quand la salle s’est rallumée une fois tous les copyrights égrenés.
Comme si, finalement, ce qu’on attendait le plus, c’était cette scène après le film. Comme si le film lui-même ne comptait plus vraiment, ou comme s’il n’était plus capable de nous surprendre ou de nous suffire. Comme si ce qu’on recherchait, c’était seulement ce qui a été coupé au montage, ce qui ne rentrait pas dans l’histoire…
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