La petite musique
Dans un perpétuel besoin d’espace et de nouveauté -de rangement donc- je jette tous mes vieux CD. Enfin pas tous quand même. Je garde les emblématiques, même si je ne sais pas comment les lire sur mon ordi. Je garde L’Ecole du micro d’argent qui n’a rien perdu de sa puissance, je garde No more shall we part qui a fait de moi ce que je suis. Je garde les used achetés à Berkeley pour leur price tag fluo à 4.99 dollars et leur façon de raconter mon été californien. Je garde le chanteur de pop mongol qu’on écoutait en boucle dans le mini van en traversant la steppe.
Et puis au milieu de la pile, je découvre le disque de Sol En Si de 1995. Pas le genre de truc que j’achetais. Mais je ne l’ai pas acheté. On me l’a donné parce que je chante dessus. Pas moi toute seule, bien sûr, d’autres petites fayotes de la chorale sont avec moi pour couiner en cœur « vers le jardin du bonheur ». La blague.
Je n’ai pas écouté cet album depuis 20 ans mais dès les premières notes, toutes les paroles me reviennent. J’ai dû l’écouter en boucle. Les paroles en anglais que je chantais phonétiquement et dont je comprends maintenant la vaste bêtise. Les harmonies du monde, oui c’est ethnique, grande époque Alliance Ethnik justement, et tout plein de refrains brésiliens et de Youssou N’Dour.
Et alors que Toute la vie, fait aujourd’hui polémique sans que je comprenne vraiment de quoi on parle, un air d’insouciance nous revient des années quatre-vingt-dix. Déjà Sol En Si, pour Solidarité Enfant Sida, sonne gentiment réactionnaire en écartant d’emblée de son champ d’action les homos, premières victimes de la maladie… Mais sur l’album, ça devient carrément embarrassant. Dans toutes ces chansons, les femmes sont des mères, des ventres uniquement sur terre pour procréer (« faire d’autres hommes »). Les hommes font la guerre, les femmes sont des objets – de désir ou de pitié -, pleurent beaucoup (normal, ce sont des femmes), les enfants sont des petits cœurs en sucre, l’amour c’est beau et demain sera meilleur, même si on meurt.
Et puis en rangeant -décidément-, je me prends à chanter très fort ces paroles choquantes et grotesques qui ont pourtant accompagné ma passion adolescente. Et ces chansons, toute la semaine, me poursuivent. Je devrais peut-être juste me remettre au chant.
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