“This is just an illusion”

Longtemps avant l’ouverture, on en parlait déjà partout de ce nouveau club privé qui allait illuminer Paris. Et ce plan de com’ assez fascinant était bien la preuve que le Silencio ne se destinait pas vraiment à être un club pour happy few, mais plutôt un club pour envieux.

A l’inauguration, on se bousculait, on voulait en être pour y voir un David Lynch qui préfère les crêperies bretonnes de Montparnasse ou n’importe quelle autre star qui, de toute façon, n’était pas là.

Un an après, c’est la même chose. J’arrive trop tard pour voir si, comme prévu, on signe de juteux contrats dans la petite salle sordide aux canapés fanés sortis d’un épisode de Magnum. Mais je suis à l’heure pour le défilé de poseurs. Si c’était un pari, il est raté et faute de nouveau lieu atypique dans la vie nocturne parisienne compassée, le Silencio répète les schémas et nous permet seulement de boire des cocktails très chers et pas très bons dans une cave surchauffée.

Au Silencio, ce sont les wannabes qui font tourner la boutique. Quel producteur va payer un membership annuel pour donner des rendez-vous dans une cave mal éclairée. Non, ceux qui payent l’abonnement exorbitant, c’est le premier cercle des wannabes. Ceux qui en sont, presque. Les autoproclamés artistes inscrits à pôlemploi, les pseudo journalistes suffisants, les groupies. Après, il y a le deuxième cercle, ceux qui attendent pendant des mois la réponse négative du service de presse et ceux qui arrivent à se faire inviter, un soir, parce qu’ils connaissent le petit cousin du manager du groupe qui joue. Un groupe branché, forcement venu de Detroit, Michigan en pulls jacquards et banjo de circonstance. Après, enfin, il y a le troisième cercle. Ceux qui réservent une table. Un soir de semaine. A minuit trente. Au Silencio. Qui, après minuit, accepte généreusement la plèbe bien lookée.

Alors oui, le souci du Silencio, ce sont les gens bien sûr, mais pas que. C’est aussi la déco. Cette déco vulgaire de grotte new age où les cheveux savamment décoiffés des têtes en poil qui traînent dans le couloir frottent le plafond.

Au Silencio rue Montmartre, pas de nain qui parle à l’envers, pas de Dale Cooper hiératique ni de mystérieuse Diane. Ce n’est pas au Silencio rue Montmartre qu’on croiserait Denise, le brushing impeccable et la gaine ajustée. Pas d’ambiance dans ce lieu. Pas de charme. Pas non plus de tension homo-érotique et de sentiment d’interdit. Au Silencio rue Montmartre, seulement les mecs prétentieux qu’on croise déjà tous les jours dans les vernissages. Et entre les tabourets futuristes et les vieux rondins dorés, on est très loin de Mulholland drive et Justin Theroux n’est pas là.

Simplement parce qu’au Sliencio, on n’est pas dans un film de David Lynch, on est dans la vraie vie. Et le Silencio, tout en bas de son escalier en clair obscur, fait mentir l’adage. La réalité ne dépasse pas toujours la fiction.


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