Ne me parlez jamais de Brokeback Mountain
« Trop gay », Ma vie avec Liberace n’a pas trouvé de distributeurs aux Etats-Unis… Qu’est ce que ça peut bien vouloir dire « trop gay » ? N’y a-t-il pas des tonnes de films trop « hétéro » ? De The Notebook à Basic Instinct en passant par n’importe quelle comédie romantique américaine ?
Qu’est-ce qui est trop gay ? Un vieux riche avec un jeune pèquenot ? Les dorures ? Les chiens-chiens ? Parce que niveau sexe, on ne voit strictement rien, pas un sexe justement, pas un poil, pas un attouchement, juste les merveilleux strings en strass de Matt Damon. Alors je repense forcement à The Bubble ou Week-end, des films 100% gays et 100% magnifiques. Et je repense forcement à ce que dit le personnage de Glen : les hétéros ne vont pas voir des œuvres d’art faites par / sur des homos. Il a raison. Et c’est grave.
Alors maintenant, il y a La vie d’Adèle. La réponse à toutes mes remarques sur l’homosexualité dans le cinéma, c’est La vie d’Adèle. Alors oui, Adèle sort dans 400 salles parce que la Palme d’Or, parce que la polémique mais aussi parce que ce sont des filles. Jeunes, jolies et hétéros. Parce que La vie d’Adèle c’est les lesbiennes d’un voyeur hétéro qui fantasme d’être entre les deux. Le fantasme masculin classique. Les scènes de sexe dont on a tellement parlé ne sont plus des scènes d’un film, ce sont des moments, peut-être simulés, peut-être pas, entre deux jeunes filles canons que les hommes désirent. Dans la grande salle du Louxor, les couples hétéros sont venus nombreux voir le film qui fait frémir, rien à voir avec le public beaucoup plus restreint et communautaire de L’inconnu du lac projeté pendant moins longtemps qu’un coït et dans la plus petite salle…
D’ailleurs, on ne dit jamais à Léa Seydoux qu’elle a été « courageuse » de jouer une butch (ce qu’elle fait très mal) contrairement à Michael Douglas, acteur en fin de carrière réussie qui a eu « l’audace » de jouer un gay. Que risquait-il exactement à 70 ans, après avoir été l’alpha male des années quatre-vingt-dix ? Que ça ternisse son image ? Comme si c’était plus grave de jouer un homo qu’un assassin ou un violeur… Seulement pour un homme, visiblement. Parce qu’une fille qui embrasse une autre fille ce n’est pas de l’homosexualité, c’est de la sensualité. Et quand elle chante I kissed a girl and I liked it, I hope my boyfriend don’t mind it, Katy Perry sait qu’elle va nous émoustiller avec ce bon vieux cliché où les filles hétéros peuvent toujours coucher avec une autre fille, pour leur plaisir (mais surtout celui de leur mec).
Mais Ma vie avec Liberace n’est pas un mauvais film, comme La vie d’Adèle n’est pas un bon film. Sauf que ce que je veux voir aujourd’hui, ce n’est plus seulement ce regard hétéronormé sur l’homosexualité.
Et dans ce petit bar que j’adore, on me dit « le fait que ce soit deux filles n’était pas important pour moi ». Curieuse idée de l’intégration à la française où pour être accepté, il faudrait perdre toute spécificité et se fondre dans un moule blanc / hétéro / classe moyenne / crypto laïcité teintée de morale chrétienne / 2.03 enfants par femme. Mais au contraire. Il faut que ce soit important. Il faut que ces films parlent de l’homosexualité. Des couples homosexuels. Et qu’ils montrent toute la spécificité et l’unicité de ces couples. Parce qu’on n’insulte pas un couple hétéro qui s’embrasse sur un quai de gare à Birmingham. Comme ils doivent montrer toute l’universalité de ces couples. Parce que je me reconnais forcement plus dans la confusion et la justesse des sentiments de Glen et Russell que dans n’importe quelle scène pathétique (donc n’importe quelle scène) de The Notebook, où Ryan Gosling bien coiffé joue au docteur avec Rachel McAdams, la reine des cruches.
Et parce que ce dont on a besoin, aujourd’hui c’est de mille Week-end. D’histoires vraiment homos. Simples et belles. Émouvantes et maudites. Plus que « des histoires vraies », de vraies histoires. Des histoires d’amour.
* parce que Le secret de Brokeback Mountain est un film homophobe et nul.
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