Dernière livraison avant Noël

Hier encore, un grand chandelier à l’arrière d’un truck et deux bougies allumées dans la nuit lointaine. Et ce soir, la musique klezmer, la place de l’Opéra, les bougies électriques qui brillent toutes bien alignées dans la nuit. Infinie. La nuit toujours. Peut-être qu’il ne fera plus jamais jour. Peut-être que c’est cela qu’on fête. La nuit éternelle. La nuit du matin au soir. La nuit tout le temps. Sur la ville et sur moi.

Et seule l’odeur du chalumeau quand je traverse le pont me rappelle que je suis vivante. Vivante, quand même pas. Juste là. Un peu là, à peine là. Mais pas ailleurs sinon en moi-même. Pourtant, la nuit à l’intérieur de moi s’est levée sur la ville.

Le ciel est pastel, carrément guimauve. Du rose poudré, du bleu, je ne sais pas, layette. Et cette brume de conte de fées. Un conte de fées plein de stéréotypes, de misogynie et de sectarisme. Un conte de fées quoi. Et toutes ces dorures. La démocratie est morte mais les ors de la République rutilent. C’est beau. C’est à couper le souffle presque. Ou alors c’est la pollution qui me remplit les bronches. Je suis sous cloche, la cloche de verre. Un dôme de particules cancérigènes, mais c’est tellement beau ces reflets. Et puis on en aura tous des cancers, de toute façon. Alors pourquoi pas le cancer de la belle balade à vélo sur les ponts de Paris.

Mais n’y pensons plus. Et pour ça, heureusement, il y a l’alcool. L’alcool qui fait rire à des choses bêtes, qui rend les gens beaux et qui fait dormir sans se poser de questions. Et le lendemain, l’instant d’après, le réveil. Une autre journée. Et à la radio, à la télé, toute la misère du monde. « On n’est pas si mal » dira quelqu’un. « On peut pas se plaindre » dira un autre. Et heureusement aussi, il y a « les fêtes », « la trêve des confiseurs », les centres commerciaux. Ils brillent. Plus chatoyants que la coupole des Invalides. Ils nous déversent des vies rêvées de femme au foyer et d’homme sportif. De familles heureuses d’enfin posséder ajouter ici le ou les produits tant convoités. Ils nous attirent avec leurs slogans et leurs objets qu’il faut absolument acheter pour oublier. Oublier la nuit, la journée, la mort et la vie.

Au dessus de la Seine, les couleurs encore jamais nommées nous cachent la laideur, et les particules fines, comme des prismes, éclatent la lumière en mille rêves scintillants. La beauté qui nous laisse sans voix. La beauté qui nous étouffe. La beauté qui nous tue.

Mais aujourd’hui, les particules fines sont au sol et le ciel est juste normal. Ni magique ni iridescent. Et je ne le regarde même plus. Il n’a plus d’intérêt. Parce que c’est toujours plus beau quand c’est dangereux.


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