Frais de dossier inclus

Donc, j’ai reçu un chèque. J’aurais pu demander un virement mais je voulais recevoir un chèque. Je voulais pouvoir le toucher. Quel qu’en soit le montant.

En fait non, le montant a son importance. Pas le montant de ce chèque en particulier mais le fait que, si je voulais ne tirer mon revenu que de là, en me basant sur ce chèque, je devrais écrire 8 750 000 signes par mois. Ça fait beaucoup, surtout que pour moi, moins il y a de mots, mieux c’est.

Donc, j’ai reçu un chèque. Pour la première fois, j’ai reçu de l’argent d’un travail d’écriture. Non, ce n’est ni la première fois, ni un travail d’écriture. Je gagne déjà ma vie avec « un travail » « d’écriture » puisque je suis « dans l’éditorial », même si je n’ai aucune idée de ce que cela peut bien vouloir dire. Pour la première fois, je touche de l’argent pour un texte de fiction. Une petite chose initiée uniquement par moi et non par un email TTU d’un supérieur hiérarchique quelconque.

Aujourd’hui donc, j’ai reçu un chèque. J’ai reçu de l’argent. Et est-ce que c’est ça l’important. Est-ce que c’est ça la différence avec hier. Est-ce que ça valide ma « capacité » à « écrire » alors même que je méprise les gens qui m’ont choisie. Est-ce que les deux heures quotidiennes que je me suis imposées un temps ont plus de sens, maintenant. Maintenant qu’il y a ce chèque. Est-ce que c’est ça le but, « en vivre ». Ecrire pour toucher de l’argent. Gagner de l’argent avec l’écriture. Est-ce que c’est pour ce chèque que je fais un « travail alimentaire ». Mais ce n’est pas parce que je le déteste que mon travail est « alimentaire ». Encore plus quand c’est lui qui me dévore.

Je regarde le chèque et je repense à cette fille dans une soirée où on devait se déchausser à l’entrée pour ne pas abîmer le parquet. Je sais qu’elle est photographe mais en deux minutes d’une conversation à moitié étouffée par une chanson de Beyonce elle m’explique : « je ne veux pas gagner de l’argent avec mes photos ». Je regrette aujourd’hui ne pas lui avoir dit à quelle point cela m’avait impressionnée. Moi qui ai connu tant « d’artistes », « d’auteurs dramatiques » et de « comédiens » qui ne rêvaient que d’une vie de bohème pour échapper au travail de bureau.

Et pour eux, comme pour moi, dès que je parle d’écriture, tous les mots se retrouvent en italique, entre guillemets, comme s’il n’y avait pas de mot juste pour dire les mots. Alors quoi, « écrire, ne faire rien d’autre que ça » mais surtout ne pas l’écrire.


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