Avec un g minuscule

C’est le mot qui vient tout de suite à l’esprit. Grotesque. Avant même que Nick Carraway, en visite chez son psy, ne le prononce pour désigner la seule chose qui pourtant ne l’est pas : le no man’s land minier entre Long Island et New York. Enfin Nick Carraway non, Tobey Maguire plutôt. Parce qu’on ne pense pas grotesque en lisant The Great Gatsby, juste en regardant le film de Baz Luhrmann.

Grotesque dans toutes ses acceptions. Dès le générique, grotesque. L’habillage travaillé et prégnant comme les typos grotesques élégamment dessinées et qui s’imposent à l’œil. Et puis grotesque comme ridicule, avec ce jeu outrancier et, quoi grotesque, de tous les acteurs, du regard ahuri de Tobey au visage monolithique de Leo. Grotesque. Comme cette scène, récit par quelqu’un du souvenir d’une autre dans le souvenir d’un troisième où Dicaprio et Carey Mulligan rejouent quinze ans après exactement la même scène de coup de foudre que dans Romeo + Juliet. La jeune vierge qui a toujours le même âge, en haut des escaliers et lui, ridé et avec dix kilos de plus, en bas. Echange silencieux de regards énamourés, il manque juste l’aquarium.

Mais si Baz Luhrmann s’auto cite, il ne réalise pas avec Gatsby le joli coup qu’il avait réussi en transposant Shakespeare à Verona Beach, CA avec des mafieux latinos et des travestis noirs sous ecstasy. Peut-être parce que Gatsby est trop contemporain pour que se télescopent les années mais un nouveau riche qui adore les mixeurs (grotesques) a l’air furieusement ringard quand il répète à chaque fin de phrase « Old sport », la bouche pleine de cailloux. Et c’est lui qui, malgré sa soif d’exception et de modernité, devient old et loin de nous et ennuyeux quand on devrait pourtant brûler pour cet être mystérieux et passionné…

Oh ça, il met très bien ses mains dans les poches de ses costumes ajustés, Dicaprio. Et c’est vrai qu’il a parfois ce sourire à tomber que décrit Nick/Tobey quand il le rencontre pour la première fois. Mais on ne peut pas être le « meilleur acteur de sa génération » quand on ne sait que froncer les sourcils et bouder pendant deux heures et demie dans ce film (comme dans tous les autres). Pourtant, le temps passe incroyablement vite avec Gatsby. Comment peut-on faire un film aussi long avec un livre aussi court et dont on supprime la moitié des événements et toute la substance, je ne sais pas, mais il faut bien avouer qu’on ne s’ennuie pas aux fêtes gigantesques et grotesques de West Egg. Oui, grotesques les fêtes pour Baz et Gatsby, à dessein sûrement, comme d’extravagantes bouffonneries d’après la fin du monde, mais grotesques aussi les effets spéciaux inutiles et grossiers de ce film entièrement tourné sur fond vert où l’on incorpore des personnages devenus des coquilles vides à un décor en carton qui rend tout si vain, si dérisoire, si grotesque.


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